lundi 3 mars 2008

Réconcilions-nous avec l’emploi industriel…Et abandonnons l’idée de « société post industrielle »


En ce début d’année, l’emploi est à nouveau sur le devant de la scène. Au niveau national c’est tout d’abord le nombre de chômeurs qui a augmenté de 13 000 inscrits en janvier. Cela augure-t-il le retour de nouvelles hausses successives du chômage ? Rien n’est moins sûr si l’on regarde les statistiques qui semblent montrer que les mois de janvier sont traditionnellement défavorables à l’emploi (cf. janvier 2006 et 2007). Pour autant, il ne serait pas surprenant que la conjoncture internationale (hausse des matières premières, crise des subprimes, inflation, euro fort, chute des bourses…) provoque une nouvelle baisse de l’emploi salarié en France. Il sera alors temps de s’interroger sur le caractère structurel de cette tendance qui pourrait contrebalancer les réformes actuelles du marché du travail qui s’inscrivent dans le long terme (réforme du contrat de travail, nouveau service de l’emploi, propositions Attali…).
Au niveau régional, c’est la fermeture du site de Blanquefort avec ses 1580 emplois qui menace l’économie régionale. Cet exemple viendrait encore illustrer l’avènement de la société post-industrielle chère à Alain Touraine qui, pour résumer, appuie le développement de son économie sur l’immatériel et sur la conception et non plus sur la production matérielle et industrielle. Pouvons-nous donc, en vertu de cette théorie, baser définitivement notre économie sur les services et sacrifier nos sites de production ? Les délocalisations actuelles de services informatiques et de back-office de certaines multinationales me font pourtant dire qu’Alain Touraine n’a pas pris le problème par le bon bout. A cet instant, nous pouvons lire que l’Allemagne est moins tentée par les délocalisations, car il est aussi difficile, dans ces pays à coût de main d’œuvre moins chère (mais dont la hausse est certaine), de trouver de la main d’œuvre qualifiée. Pour les entreprises qui planifient à long terme, la réflexion mérite d’être posée. Le premier défi à relever est donc celui de la formation ; arrêtons sans tarder les filières qui mènent directement au chômage. Nos territoires ont non seulement besoin d’économie immatérielle, de services mais ils ont aussi besoin d’industrie. Et quoi de plus naturel que de l’industrie agroalimentaire… Notre agriculture nous l’autorise.

1 commentaire:

davidsechard a dit…

L’économie post-industrielle dont parle Alain Touraine n’est pas une économie sans objet. Daniel Cohen l’explique dans « 3 leçons sur la société post-industrielle ». La société post industrielle est une société de l’information où la structure de coûts est totalement atypique par rapport au schéma de la société industrielle. Dans cette « nouvelle économie », c’est la première unité du bien fabriqué qui est onéreuse, la seconde et celles qui suivent ayant un coût faible, voire nul. Daniel Cohen illustre son propos par l’exemple de Renault «symbole, hier de la société industrielle, veut se présenter comme « concepteur » automobile. Et, de fait, cette firme tend à fabriquer une part de plus en plus faible des voitures qui portent sa marque. Dans les années 50 Renault fabriquait 80% des voitures qui était livrée au concessionnaire. Aujourd’hui, elle n’en fabrique plus que 20%, et déjà le technopole de Renault est le plus grand site « industriel » de la firme, son but étant précisément de fabriquer la première unité… ». « Ainsi, la conception en amont et la prescription en aval deviennent le cœur de l’activité des pays riches. L’étape du milieu, de la fabrication (production), devient inessentielle et peut être externalisée. Plus la masse des bénéficiaires sera importante, plus l’amortissement des dépenses de recherche sera facile, plus il sera rentable d’en engager d’autres. La différence avec l’ère industrielle se joue ici. A l’époque industrielle, le gros de la dépense était moins de convaincre les consommateurs d’acheter une automobile que de la fabriquer au plus bas coût possible. »
Certe l’Allemagne est moins tentée par les délocalisations mais l’Allemagne se situe sur le segment du haut de gamme. Le schéma de la société post-industrielle semble rester valable pour toute production de produits à faible valeur ajoutée. De plus la Chine produit chaque année plusieurs centaines de milliers d’ingénieurs, idem pour l’Inde. Ces deux pays sont aujourd’hui capables d’envoyer des satellites dans l’espace et disposent d’une grande réserve de capitaux (voire l’OPA de MITTAL sur ARCELOR, la tentative de rachat de Tattinger par KINGFISCHER).
Ils pourront donc bientôt participer à leur tour à la production immatérielle ainsi que concurrencer prochainement les allemands sur le haut de gamme.
Une solution pour la France apparaît effectivement dans la formation d'une main d'oeuvre plus qualifiée capable de produire des produits à fortes valeur ajoutées afin de conserver une industrie concurrentielle.
Mais la France souffre aussi d’une trop grande spécialisation dans sa production. Ses produits ne sont pas des produits à « hautes technologie » (EX : des sacs VUITTON pour la France des I PHONES pour les USA). Elle s’expose donc au risque d’être concurrencé par les pays, émergents dans le domaine industriel et distancée par les Etats-Unis dans le domaine de l’immatériel. Une des raisons tient aux difficultés rencontrées par les PME innovantes pour trouver un financement auprès des banques françaises.
Enfin assurément, une autre piste émerge dans le domaine de l’agri business. Un phénomène nouveau est source d’inconvénients mais aussi d’opportunités. La montée en puissance de la Chine et de l’Inde offre d’énormes débouchés pour notre agriculture et notre industrie agro-alimentaire ; l’avantage principal pour les personnes travaillant dans ce secteur étant que l’agriculture est par nature difficilement délocalisable … Plutôt qu'abandonner l'idée de société post-industrielle, ne serait pas plus judicieux d'en comprendre et maîtriser les nouvelles règles afin de saisir les opportunités qu'elle procure ?